Entretien avec le père Jean Pierre Batoum:
Le corps de Robert physiquement n’est plus rien, c’est çà qui permet cette croissance spirituelle. Il dit cette phrase de tout à l’heure : « Je souffre mais je demande à Dieu d’en rajouter. »
Pour quelqu’un qui n’est pas dans la logique, il considère ça comme une folie. Or, Saint-Paul dit : « J’achève dans mon corps ce qu’il manque aux souffrances du Christ » Le Christ a tout souffert, mais le Christ continue à souffrir aujourd’hui par exemple à travers Robert. C’est ça qu’il nous prouve. Donc, jusqu’au moment, comme l’a dit le père Daniel Ange à non pas son enterrement, mais son « enciellement », Robert marque aussi par cette lumière qui resplendit de son corps souffrant. Sur toutes les photos de Robert, il y a toujours ce sourire et pourtant, il souffre intérieurement mais ce n’est pas quelqu’un qui va inonder les autres de sa souffrance. Je me rappelle comme cela, il était déjà tombé malade et il avait eu une bourse au lycée. Lorsqu’on lui apporte cet argent, il est malade… Il veut le donner aux autres.
Je vois là les grandes étapes : Du début jusqu’à la fin, il y a cette générosité, du début jusqu’à la fin, Robert est donné, toujours prêt à donner. Lors de la fête du 15 août, il a déjà tout perdu mais comme il a l’habitude d’offrir, il dit à la Vierge Marie : « Il me reste mes yeux si tu veux, je te les offre » et pour toujours, il est aveugle. C’est signe que le Seigneur a accepté, que la Vierge Marie a accepté son offrande. Ce qui me vient à l’esprit c’est que le Seigneur a déjà commencé à montrer que tout ce que Robert va demander, il va l’obtenir.
Si nous pouvons, nous devons commencer ou continuer à demander des grâces au Seigneur par Robert. La voix de Robert est entendue.
Voilà les étapes de la vie de Robert Naoussi…
Loïc- Quel serait le signe du rayonnement de Robert que vous avez pu côtoyer pendant tous ces années ?
P. Batoum- Moi je souligne cette foi au cœur de la souffrance, cette paix au sein des difficultés que les jeunes et les adultes par exemple dans l’école d’Evangélisation rencontrent.
Même si cela fait 11 ans que l’école existe, les témoignages que j’ai entendu d’année en année, c’est: « Avant je baissais les bras, que ma vie n’avait pas de sens, mais à l’école d’évangélisation Robert Naoussi par les ateliers qui sont faits à partir de la vie de Robert Naoussi. il y a quelque chose qui change. »
Un jour j’ai donné un enseignement sur « faire de sa vie un chemin de sainteté »…et ce n’est pas aller d’abord cueillir les étoiles. Ta vie telle que tu la vis, l’orienter vers le Seigneur, donner même tes échecs ou tes chutes vers le Seigneur et te relever…
Et beaucoup, aujourd’hui ont une vraie joie intérieure, la joie ne vient pas de ce que tout réussit, mais la joie vient de ce que le Seigneur est présent au sein de cette difficulté et donne sens à cette difficulté.
C’est un exemple qui nous mène ainsi à présenter…
Lorsqu’il se préparait à recevoir des soins qui étaient particulièrement douloureux…il chantait, il a composé un chant qu’on a pu entendre et qui parle de ce genre de souffrance et il demandé aussi d’éloigner la lèpre qu’il appelé en plusieurs langues des frères du Cameroun, il l’ a appelé aussi en français en bassa ou en bamiléké.
Donc, il y a cette joie intérieure qui se manifeste avec un courage et une détermination d’avancer malgré les difficultés. Çà pour moi, c’est un signe du rayonnement de Robert Naoussi et tous ceux qui le rencontraient. Nous aussi chaque fois que nous allons en pèlerinage une fois par an sur la tombe de Robert, il y a toujours cette joie.
Loïc : -Vous qui côtoyez beaucoup de jeunes comment vous voyez un petit peu l’impact de Robert dans la vie concrète peut-être avec des anecdotes des témoignages que de l’influence de Robert Naoussi sur cette génération ?
Père Batoum : -Je pourrais aller étape par étape je prends un exemple d’un jeune la trentaine d’années avec l’intention de devenir prêtre : il a fait un accident et il a perdu l’usage de ses membres inférieurs et la colonne vertébrale : Patrick Talon. Je venais d’écrire un livre sur le mystère de la souffrance.
Quand on m’a parlé de lui, j’étais déjà dans cette spiritualité de Robert Naoussi lorsque jelui offre ce livre, dit-il, ça donne un sens à ma vie. Et il est venu rencontrer les membres de l’école d’évangélisation Robert Naoussi.
Il leur a parlé. Alors je parle de cela comme une vague, et il y a un Monsieur à l’école d’évangélisation qui ne sait pas écrire presque rien et quand il venait à l’école d’évangélisation lorsque Patrick Talon lui parle, il ne prenait pas note. Lorsque Patrick Talon lui parle, il parle à l’assemblée, il dit que le Seigneur ne va p as lui demander : « Qu’as tu fait de tes jambes ? » puisqu’il n’en a plus. Mais il va me demander ce que j’ai fait de moi-même et de ma bouche et tout. Et il dit que à partir de ce moment-là, Monsieur Dieudonné a décidé des commencer à écrire. C’est lui seul qui peut lire ce qu’il écrit. C’est cela la spiritualité de Robert : tu es paralysé mais tu as toujours quelque chose à offrir. Je crois que vous pourriez avoir l’occasion de demander aux uns et aux autres comme cela est. Moi, je vois les changements qui est dans leurs vies.
La souffrance même chez nous en Afrique est une grande barrière, moi personnellement c’est le Seigneur qui m’a aidé. Si le christianisme pouvait exister et sans souffrance je crois que le Seigneur aurait beaucoup d’amis ; mais sauf que sans la souffrance le christianisme serait absurde car le salut n’existerait pas. Nous t’adorons, nous te bénissons parce que tu as racheté le monde par ta Sainte Croix. Robert Naoussi enseigne à faire de la souffrance non une boule de fer qui pèse, non pas un obstacle mais un instrument. Et la plupart des personnes qu’on pourrait rencontrer à l’école d’évangélisation c’est l’espérance qui fait de ne plus se plaindre de faire de la souffrance une ressource plutôt d’aller de l’avant avec les souffrances petites, grandes, moyennes.
Loïc :
– La question de la souffrance en tout cas comme chemin de foi, est-ce que cet aspect-là de la vie de Robert était essentiel peut-être bien entendu aussi dans un plan universel?
Père Batoum :
-Ça c’est clair, alors pour l’école d’évangélisation Robert Naoussi on n’exalte pas la souffrance, mais la souffrance est un moyen, un instrument de salut, un moyen de sanctification. Et le problème n’est-ce pas d’être Jésus le Serviteur Souffrant, si le prophète Isaïe dit que par simple grâce nous vient la guérison et si l’Église à travers la prière du chemin de Croix dit : Jésus, par ta Croix tu as racheté le monde, Robert Naoussi est aussi capable de ce don. Il meurt à 17 ans jeune fragile et tout mais lui aussi il est capable de ce don. Cela veut dire que pour chaque chrétien, chaque être humain, il suffit d’être connecté à Jésus, d’avoir la bonne énergie de l’Esprit Saint et alors ce qu’au départ peut être aperçu comme une barrière, comme obstacle peut devenir une porte. Je crois que le tout c’est de rencontrer Robert.
Ce qui est facile, c’est la simplicité. Robert n’a pas fait des longues phrases, ni de grands entretiens. Il n’a pas fait des longs discours et je crois que ses liens avec la petite Thérèse, c’est elle qui est déclarée docteur de l’Église mais qui n’a rien écrit comme théologie comme un docteur de l’Église, Robert Naoussi a fait comme un enseignant qui n’a pas des livres, qui n’a pas des grands traités mais son corps souffrant.
Son corps de souffrance est un livre ouvert et les petites phrases qu’il laisse sortir sont comme des clés de lecture, un décodeur qui nous permet justement de comprendre ce qu’il y a dans sa vie, de comprendre ce que Jésus a fait. Robert est un traité de ce que Jésus nous demande. Prendre sa croix avec lui chaque jour, c’est possible, ce n’est pas réservé à la grande Thérèse d’Avila. Ce n’est pas réservé à Padre Pio. Ce n’est pas réservé au grand saint Jean-Marie Vianney. C’est à la portée de tout le monde.
Il s’agit de mettre sa souffrance au service de tous ceux qui sont autour de toi , de ceux qui font partie de l’Église. C’est une spiritualité qui peut-être vécu par tout le monde et qui est au cœur de la vie chrétienne.
Loïc : -Personnellement dans votre vie cette rencontre avec Robert a tout changé ou approfondi ?
Père Batoum : -Je voudrais dire que le Seigneur m’a préparé à comprendre Robert de l’intérieur, alors j’ai travaillé avec un enseignant d’université qui m’a fait remarquer alors parmi les livres que j’ai écrit, que j’écris sur le mystère de la souffrance. J’ai fait les commentaires du livre de Job, j’ai prié dans un monastère trois mois et pour occuper mon temps on m’avait nommé bibliothécaire comme j’ai fait des études de Bible, j’enseigne les prophètes et je commence à lire le prophète Isaïe et je suis accroché par justement les 2e livre des Isaïe sur la consolation. Alors je commence à prendre des notes et plus tard quand me vient l’idée d’en faire une publication, je me rends compte que curieusement c’est la suite logique de premier livre de Job et je l’ai intitulé « Servir par la Souffrance « . Cela a été un temps de cheminement intérieur et de guérison intérieure. Le Seigneur s’est servi de ce livre de consolation pour me faire comprendre de l’intérieur ce que je connaissais intellectuellement : « Que des blessures nous vient la guérison » et ceux qui veulent la guérison, n’oubliez pas que c’est dans ce deuxième livre d’Isaïe que se trouve le chant du Serviteur Souffrant. Et il y a un lien profond entre Robert Naoussi et moi.
Je ne conçois pas la vie du prêtre sans souffrance parce qu’au final c’est ce qu’il y a au sein de la vie de prêtre, c’est L’Eucharistie.
L’Eucharistie, c’est le sacrifice, le don de soi. Je n’offre pas seulement Jésus non, je m’offre avec Jésus. Ce que je dis: Ceci est mon corps, ceci est mon sang. Jésus a dit que c’est son Corps et moi je le dis avec Jésus, Jésus le dit à moi, je ne peux pas faire une séparation moi personnellement. J’intègre les difficultés que ce soient matérielles, spirituelles, psychologiques, humaines, tout ça fait partie de mon sacerdoce.
Pour la petite histoire le jour où je suis allé à la tombe de Robert Naoussi ce vendredi saint au matin, lorsque j’amène les jeunes à la tombe de Robert Aussi, mon entretien que j’ai eu avec lui, ça portait sur cela. Il m’a dit clairement tu ne connaîtras pas beaucoup de souffrance physique, ni matérielle, mais psychologique, spirituelle et j’en fais l’expérience de l’incompréhension d’origine, de vouloir aider les gens et qu’ au lieu de te dire merci ils ne disent pas merci mais il me désavouent. Alors il y a cette tension de dire « ah je ne vais plus jamais le faire » mais de continuer. Il y a un prêtre qui a fait une méditation de la Passion de Jésus, qui est en langue Bassa qui nous dit que quand Jésus est au Golgotha il transpire mais pourquoi ? Il le fait parce qu’Il pense à tous ces gens pour lesquels il va mourir mais qui vont rester indifférents à sa souffrance, qui ne s’intéressent même pas à sa souffrance, pour qui Il va donner sa vie et qui vont se rapprocher peut-être de le suivre ou peut-être lui tourner le dos. Ce que Jésus a vécu, c’est ce que Robert m’a appris à vivre. La souffrance pour moi ce n’est pas quelque chose de choquant mais je porte ma croix c’est une expression que je n’utilise pas pour donner un sens et dire à c’est mon lot de souffrance pour moi ça une autre signification : c’est mon chemin de salut.
Robert Naoussi m’a fait comprendre et prendre conscience du caractère fructueux de la souffrance.
Alors il y a quelqu’un qui m’a fait remarquer méchamment c’est comme si tu parlais de la productivité de la soie parce que je parle du ministère de la souffrance.
C’est de rendre service aux autres par sa souffrance, comme Jésus l’a fait, aussi bien qu’ un être humain est capable de le faire souvent naturellement sans que ce soit chrétien exclusivement. A un moment, une mère fait des gros efforts pour ses enfants ensuite la maman va reprocher à son enfant : « Après tout ce que j’ ai fait pour toi, tu n’as pas été reconnaissant » mais si cette maman dans sa vie se joint à Jésus elle est en train de réaliser pour elle son chemin de salut.
C’est comme cela qu’ on peut vivre chacun cette spiritualité de la souffrance.
Robert a approfondi spirituellement ce que je connaissais déjà intellectuellement et donc une souffrance ne peut plus être pour moi une barrière mais une raison de joie. Plus il y a des difficultés, plus je me sens poussé à aller de l’avant. C’est ce que Robert a vécu.
Puisse cela être perçu et reconnu du monde entier. Je crois que le Seigneur aperçoit cette soif et qu’ un jour Robert pourra être béatifié.
Loïc : -Quelle est l’importance qu’ un jour Robert soit présenté comme modèle de sainteté ?
Père Batoum : -Ici au Cameroun il y a quelque chose que je vois comme la deuxième hymne nationale : « On va faire comment ? »
Tous les jeunes vont à l’école mais ils sont convaincus que l’école ne sert à rien, alors il y a un découragement maladif, une désespérance. Je crois que la béatification de Robert et aussi le fait qu’il soit montré en exemple, va nous montrer qu’au lieu de baisser les bras, il faut avancer. Robert Naoussi a cette prophétie : « Lorsqu’ils viendront des quatre coins du monde des tout jeunes et tous lointains, ils vont se demander : « Mais qui nous a ouvert les portes du paradis ? Jésus va leur dire : « c’est notre petit Robert », et tout le monde va se tourner vers lui. Robert nous montre par là qu’est-ce que c’est la souffrance que tu vis aujourd’hui si tu la vis connecté à Jésus-Christ. Elle est bonne pour le monde entier. Tu peux ne pas voir les fruits mais plus tard, tu en verras les fruits. Tu en verras le résultat. Ce sera une grande bouée de sauvetage pour tous les jeunes. Je crois que chacun pourra dire : « Robert Naoussi l’a fait alors moi je peux le faire ». Robert Naoussi n’est pas devenu prêtre mais il a célébré l’Eucharistie dans son cœur. Il a voulu être un enseignant et il a enseigné. Il a voulu être catéchiste et il l’a fait. Tous les désirs de Robert Naoussi, le Seigneur les a réalisés étape par étape et là je ne peux pas manquer de parler de sa sœur Thérèse qui avait aussi une soif d’infini que le Seigneur a réalisé. Tous ce que Robert a voulu être, ses témoins peuvent nous dire que le Seigneur les a réalisés.
Robert va être un modèle important pour les jeunes du Cameroun. Pour les jeunes en Afrique. Il y a déjà d’autres comme Isidore Bakandja la bienheureuse Anuarite… C’est vrai que des saints, on en parle beaucoup mais les jeunes en Afrique ont beaucoup de modèles mais en Europe aussi, quelques-uns qui viennent d’ailleurs et qui nous montrent aussi comment vivre la vie. Cela nous interpelle toujours comme Thérèse de l’Enfant-Jésus qui est amie de beaucoup de jeunes en Afrique et au Cameroun. Ça sera une grande grâce la béatification de Robert, espérons que le seigneur va bientôt nous la donner.
Loïc : -On peut même dire que c’est peut-être une chance cette béatification, ça serait une chance pour les pays même au-delà de l’église ?
Père Batoum : -Mais justement, je parlais des jeunes mais pas seulement des jeunes chrétiens, j’ai parlé de tous les jeunes en général c’est comme je l’ai dit avant aujourd’hui la maladie des jeunes camerounais, c’est la désespérance, c’est de dire : « on va faire comment ? » C’est la désespérance. On va faire comment ? Il n’y a plus d’issue… on va à l’école, on n’y croit pas. On va au travail on n’y croit pas, même quand on a du travail on n’a pas d’objectifs, on va gagner de l’argent mais on ne sait pas pourquoi ; on n’a pas d’objectif. Tu vois, la béatification de Robert nous ouvre une autre perspective, une autre dimension, de dire autrement. ce que tu penses « la vie a un sens, elle n’a pas son sens parce que tu travailles parce que tu réussis matériellement historiquement tes objectifs mais elle a un sens parce que justement Dieu raconte que c’est Jésus qui donne un sens à ta vie, Il oriente ta vie. « Orienter ta vie »: Moi j’aime ce verbe, orienter, parce que le soleil se lève à l’orient et c’est soleil qui se lève à l’orient c’est notre Jésus. C’est un aimant qui attire notre vie vers lui, avec cette lumière qui il jette sur notre existence, ma vie acquiert un sens. Lorsqu’ elle est orientée vers Jésus alors ma vie est illuminée. Je peux avoir 1000 diplômes je peux avoir beaucoup d’argent mais si ma vie n’est pas orientée vers Jésus, elle tourne en rond, je suis tombé dans le vide. Or la béatification de Robert va montrer que même si je n’adhère pas sur cette terre, même si j’ai avance dans les ténèbres, des difficultés, des tempêtes, d’ouragan, la vie sur la lumière de la foi donne sens à cette tempête à cet ouragan, à ces difficultés. Les jeunes au Cameroun sur les statistiques sont plus de la moitié de la population et ce sera une révolution à partir du jeune Robert Naoussi. Il va dans sa petitesse faire exploser tous ces murs d’acier que le malin a présenté dans la vie de ces jeunes . C’est çà qui est en jeux. Si les jeunes ne peuvent plus être sûrs de travailler, de trouver du travail, et tout et tout c’est parce que comme le dit Saint-Jean à l’apocalypse, la bête est là. Il dit: « Ne pourront acheter que ceux qui sont marqués de la bête », c’est ce que nous vivons, mais si Robert Naoussi est béatifié on montrera que maintenant l’Agneau immolé dans sa petitesse a remporté la victoire sur le grand dragon. Robert Naoussi sera le signe de la résurrection, de la Victoire de Jésus. Et chaque jeune pourra prendre soin de soi à partir de Robert Naoussi.
Loïc :
– La question de la souffrance en tout cas comme chemin de foi, est-ce que cet aspect-là de la vie de Robert était essentiel peut-être bien entendu aussi dans un plan universel?
Père Batoum :
-Ça c’est clair, alors pour l’école d’évangélisation Robert Naoussi on n’exalte pas la souffrance, mais la souffrance est un moyen, un instrument de salut, un moyen de sanctification. Et le problème n’est-ce pas d’être Jésus le serviteur souffrant, si le prophète Isaïe dit que par simple grâce nous vient la guérison et si l’Église à travers la prière du chemin de Croix dit : Jésus, par ta Croix tu as racheté le monde, Robert Naoussi est aussi capable de ce don. Il meurt à 17 ans jeune fragile et tout mais lui aussi il est capable de ce don. Cela veut dire que pour chaque chrétien, chaque être humain, il suffit d’être connecté à Jésus, d’avoir la bonne énergie de l’Esprit Saint et alors ce qu’au départ peut être aperçu comme une barrière, comme obstacle peut devenir une porte. Je crois que le tout c’est de rencontrer Robert.
Ce qui est facile, c’est la simplicité. Robert n’a pas fait des longues phrases, ni de grands entretiens. Il n’a pas fait des longs discours et je crois que ses liens avec la petite Thérèse, c’est elle qui est déclarée docteur de l’Église mais qui n’a rien écrit comme théologie comme un docteur de l’Église, Robert Naoussi a fait comme un enseignant qui n’a pas des livres, qui n’a pas des grands traités mais son corps souffrant.
Son corps de souffrance est un livre ouvert et les petites phrases qu’il laisse sortir sont comme des clés de lecture, un décodeur qui nous permet justement de comprendre ce qu’il y a dans sa vie, de comprendre ce que Jésus a fait. Robert est un traité de ce que Jésus nous demande. Prendre sa croix avec lui chaque jour, c’est possible, ce n’est pas réservé à la grande Thérèse d’Avila. Ce n’est pas réservé à Padre Pio. Ce n’est pas réservé au grand saint Jean-Marie Vianney. C’est à la portée de tout le monde.
Il s’agit de mettre sa souffrance au service de tous ceux qui sont autour de toi , de ceux qui font partie de l’Église. C’est une spiritualité qui peut-être vécu par tout le monde et qui est au cœur de la vie chrétienne.
Loïc : -Personnellement dans votre vie cette rencontre avec Robert a tout changé ou approfondi ?
Père Batoum : -Je voudrais dire que le Seigneur m’a préparé à comprendre Robert de l’intérieur, alors j’ai travaillé avec un enseignant d’université qui m’a fait remarquer alors parmi les livres que j’ai écrit, j’écris sur le mystère de la souffrance. J’ai fait les commentaires du livre de Job, j’ai prié dans un monastère trois mois et pour occuper mon temps on m’avait nommé bibliothécaire comme j’ai fait des études de Bible, j’enseigne les prophètes et je commence à lire le prophète Isaïe et je suis accroché par justement les 2e livre des Isaïe sur la consolation. Alors je commence à prendre des notes et plus tard quand me vient l’idée d’en faire une publication, je me rends compte que curieusement c’est la suite logique de premier livre de Job et je l’ai intitulé « Servir par la souffrance « . Cela a été un temps de cheminement intérieur et de guérison intérieure. Le Seigneur s’est servi de ce livre de consolation pour me faire comprendre de l’intérieur ce que je connaissais intellectuellement : « Que des blessures nous vient la guérison » et ceux qui veulent la guérison, n’oubliez pas que c’est dans ce deuxième livre d’Isaïe que se trouve le chant du Serviteur. Et il y a un lien profond entre Robert Naoussi et moi.
Je ne conçois pas la vie du prêtre sans souffrance parce qu’au final c’est ce qu’il y a au sein de la vie de prêtre, c’est L’Eucharistie.
L’Eucharistie, c’est le sacrifice, le don de soi. Je n’offre pas seulement Jésus non, je m’offre avec Jésus. Ce que je dis: Ceci est mon corps, ceci est mon sang. Jésus a dit que c’est son Corps et moi je le dis avec Jésus, Jésus le dit à moi, je ne peux pas faire une séparation moi personnellement. J’intègre les difficultés que ce soient matérielles, spirituelles, psychologiques, humaines, tout ça fait partie de mon sacerdoce.
Pour la petite histoire le jour où je suis allé à la tombe de Robert Naoussi ce vendredi saint au matin, lorsque j’amène les jeunes à la tombe de Robert Aussi, mon entretien que j’ai eu avec lui, ça portait sur cela. Il m’a dit clairement tu ne connaîtras pas beaucoup de souffrance physique, ni matérielle, mais psychologique, spirituelle et j’en fais l’expérience de l’incompréhension d’origine, de vouloir aider les gens et qu’ au lieu de te dire merci ils ne disent pas merci mais il me désavouent. Alors il y a cette tension de dire « ah je ne vais plus jamais le faire » mais de continuer. Il y a un prêtre qui a fait une méditation de la Passion de Jésus, qui est en langue Bassa qui nous dit que quand Jésus est au Golgotha il transpire mais pourquoi ? Il le fait parce qu’Il pense à tous ces gens pour lesquels il va mourir mais qui vont rester indifférents à sa souffrance, qui ne s’intéressent même pas à sa souffrance, pour qui Il va donner sa vie et qui vont se rapprocher peut-être de le suivre ou peut-être lui tourner le dos. Ce que Jésus a vécu, c’est ce que Robert m’a appris à vivre. La souffrance
, pour moi ce n’est pas quelque chose de choquant mais je porte ma croix c’est une expression que je n’utilise pas pour donner un sens et dire à c’est mon lot de souffrance pour moi ça une autre signification : c’est mon chemin de salut.
Robert Naoussi m’a fait comprendre et prendre conscience du caractère fructueux de la souffrance.
Alors il y a quelqu’un qui m’a fait remarquer méchamment c’est comme si tu parlais de la productivité de la soie parce que je parle du ministère de la souffrance.
C’est de rendre service aux autres par sa souffrance, comme Jésus l’a fait, aussi bien qu’ un être humain est capable de le faire souvent naturellement sans que ce soit chrétien exclusivement. A un moment, une mère fait des gros efforts pour ses enfants ensuite la maman va reprocher à son enfant : « Après tout ce que j’ ai fait pour toi, tu n’as pas été reconnaissant » mais si cette maman dans sa vie se joint à Jésus elle est en train de réaliser pour elle son chemin de salut.
C’est comme cela qu’ on peut vivre chacun cette spiritualité de la souffrance.
Robert a approfondi spirituellement ce que je connaissais déjà intellectuellement et donc une souffrance ne peut plus être pour moi une barrière mais une raison de joie. Plus il y a des difficultés, plus je me sens poussé à aller de l’avant. C’est ce que Robert a vécu.
Puisse cela être perçu et reconnu du monde entier. Je crois que le Seigneur aperçoit cette soif et qu’ un jour Robert pourra être béatifié.
Loïc : -Quelle est l’importance qu’ un jour Robert soit présenté comme modèle de sainteté ?
Père Batoum : -Ici au Cameroun il y a quelque chose que je vois comme la deuxième hymne nationale : « On va faire comment ? »
Tous les jeunes vont à l’école mais ils sont convaincus que l’école ne sert à rien, alors il y a un découragement maladif, une désespérance. Je crois que la béatification de Robert et aussi le fait qu’il soit montré en exemple, va nous montrer qu’au lieu de baisser les bras, il faut avancer. Robert Naoussi a cette prophétie : « Lorsqu’ils viendront des quatre coins du monde des tout jeunes et tous lointains, ils vont se demander : « Mais qui nous a ouvert les portes du paradis ? Jésus va leur dire : « c’est notre petit Robert », et tout le monde va se tourner vers lui. Robert nous montre par là qu’est-ce que c’est la souffrance que tu vis aujourd’hui si tu la vis connecté à Jésus-Christ. Elle est bonne pour le monde entier. Tu peux ne pas voir les fruits mais plus tard, tu en verras les fruits. Tu en verras le résultat. Ce sera une grande bouée de sauvetage pour tous les jeunes. Je crois que chacun pourra dire : « Robert Naoussi l’a fait alors moi je peux le faire ». Robert Naoussi n’est pas devenu prêtre mais il a célébré l’Eucharistie dans son cœur. Il a voulu être un enseignant et il a enseigné. Il a voulu être catéchiste et il l’a fait. Tous les désirs de Robert Naoussi, le Seigneur les a réalisés étape par étape et là je ne peux pas manquer de parler de sa sœur Thérèse qui avait aussi une soif d’infini que le Seigneur a réalisé. Tous ce que Robert a voulu être, ses témoins peuvent nous dire que le Seigneur les a réalisés.
Robert va être un modèle important pour les jeunes du Cameroun. Pour les jeunes en Afrique. Il y a déjà d’autres comme Isidore Bakandja la bienheureuse Anuarite… C’est vrai que des saints, on en parle beaucoup mais les jeunes en Afrique ont beaucoup de modèles mais en Europe aussi, quelques-uns qui viennent d’ailleurs et qui nous montrent aussi comment vivre la vie. Cela nous interpelle toujours comme Thérèse de l’Enfant-Jésus qui est amie de beaucoup de jeunes en Afrique et au Cameroun. Ça sera une grande grâce la béatification de Robert, espérons que le seigneur va bientôt nous la donner.
Loïc : -On peut même dire que c’est peut-être une chance cette béatification, ça serait une chance pour les pays même au-delà de l’église ?
Père Batoum : -Mais justement, je parlais des jeunes mais pas seulement des jeunes chrétiens, j’ai parlé de tous les jeunes en général c’est comme je l’ai dit avant aujourd’hui la maladie des jeunes camerounais, c’est la désespérance, c’est de dire : « on va faire comment ? » C’est la désespérance. On va faire comment ? Il n’y a plus d’issue… on va à l’école, on n’y croit pas. On va au travail on n’y croit pas, même quand on a du travail on n’a pas d’objectifs, on va gagner de l’argent mais on ne sait pas pourquoi ; on n’a pas d’objectif. Tu vois, la béatification de Robert nous ouvre une autre perspective, une autre dimension, de dire autrement. ce que tu penses « la vie a un sens, elle n’a pas son sens parce que tu travailles parce que tu réussis matériellement historiquement tes objectifs mais elle a un sens parce que justement Dieu raconte que c’est Jésus. Il donne un sens à ta vie, Il oriente ta vie. Orienter ta vie moi j’aime ce verbe orienter parce que le soleil se lève à l’orient et c’est soleil qui se lève à L’orient. C’est notre Jésus. C’est un aimant qui attire notre vie vers lui avec cette lumière qui les jette sur notre existence ma vie acquiert un sens. Lorsqu’ elle est orientée vers Jésus alors ma vie est illuminée. Je peux avoir 1000 diplômes je peux avoir beaucoup d’argent mais si ma vie n’est pas orientée vers Jésus, elle tourne en rond, je suis tombé dans le vide. Or la béatification de Robert va montrer que même si je n’adhère pas sur cette terre, même si j’ai avance dans les ténèbres, des difficultés, des tempêtes, d’ouragan, la vie sur la lumière de la foi donne sens à cette tempête à cet ouragan, à ces difficultés. Les jeunes au Cameroun sur les statistiques sont plus de la moitié de la population et ce sera une révolution à partir du jeune Robert Naoussi. Il va dans sa petitesse faire exploser tous ces murs d’acier que le malin a présenté dans la vie de ces jeunes . C’est çà qui est en jeux. Si les jeunes ne peuvent plus être sûrs de travailler, de trouver du travail, et tout et tout c’est parce que comme le dit Saint-Jean à l’apocalypse, la bête est là. Il dit ne pourront acheter que ceux qui sont marqués de la bête ,c’est ce que nous vivons mais si Robert Naoussi est béatifié on montrera que maintenant l’Agneau immolé dans sa petitesse a remporté la victoire sur le grand dragon. Robert Naoussi sera le signe de la résurrection, de la Victoire de Jésus. Et chaque jeune pourra prendre soin de soi à partir de Robert Naoussi.